One person
Il fiocco di (Bianca) neve
Condotto48, Roma
27.09-27.10.2024
Commissaire Valeria De Siero
Se déploie une carte du métro de Rome, ou de Bruxelles, voire de Namur (ils doivent bien avoir ça comme projet dans leurs cartons au lendemain des élections). Les villes savent se faire tentaculaires. Pour s'en saisir, on jette un métro par dessus. On le jette là où la ville aura été éparse, là où elle se sera étendue anarchiquement. Le métro tâche de remettre de l'ordre dans tout ça. Le métro, c'est pour toucher un point sur la carte. On étend le bras pour tenter d’agripper la poire au bout de la branche. La main veut, la main désire à tout prix.
Se dessine une carte du ciel, voire un terrain de jeu pour la chiromancie. Il paraît que s'y trouve inscrit tout un réseau routier que nous sommes amenés à emprunter. Type E411, sortie 10. On dit que tout est d'une géométrie parfaite, comme un flocon de neige vu au microscope. Mais il se fait que nous manquons de recul. Nous ne disposons pas de Google Maps, en cette ère antédiluvienne. S'il y a quelque aiguilleur ou aiguilleuse dans la salle, nous sommes preneurs. Le destin se joue-t-il au gré des lignes de la main, ou au gré des lignes du métro ? Sommes-nous des marionnettes manipulées par quelque force invisible ou devons-nous soulever tout à bout de bras ?
Se déroule une feuille de route, une feuille de calculs. Ce sont des lieux où j'ai été, mais ce n'est pas un autoportrait. C'est un compte-rendu de points dans l'espace où il est possible de se trouver, temporairement, ou plus longuement. Un individu Y vit/est issu d'un lieu X. Dans quelle mesure l'individu Y est-il définit par le point X ? Si d'aventure l'individu Y passe plus de temps dans un lieu Z, devient-il ce lieu Z en lieu et place du point X qui était sensé définir à l'origine son identité ? Et si oui à partir de quand cela advient-il, et si non, pourquoi ? Et si X et Z vont de concert, qui joue de quoi et quand ?
Dans le doute, il est conseillé d'aller à Rome. Tous les chemins y mènent par ailleurs. Mais une fois arrivé, stupeur. Les aiguilles tournent fou. On ne trouve pas Rome. Elle est en bas, en haut, à gauche, à droite, devant, derrière, en dessous, au dessus, là-bas s'y j'y suis. Elle était là hier. Elle reviendra peut-être demain. De toute évidence, elle n'est pas là. Alors quoi les évidences, que devons-nous faire de vous ?
Entre nous et Rome, il y a une couronne, des périphériques, une autoroute qui fait le tour. Il faut traverser ce cercle. Ce cercle de feu. Il faut aller chez Décathlon pour voir s'ils vendent des bottes de sept lieux permettant de faire ça.
Photographies : Francesca Pascarelli
La ballade des pendus
Parc de Beausmenil (Normandie), Sentiers d'art 2024, 01.07-30.09.2024
Premier signe
Premier prix
Premier venu
Première idée
Dernier cri
Dernier geste
Dernier mot
Der des ders
La première et la dernière fois
(Dernière pluie)
Travaux publics (privés)
Ferme-Asile, Sion
14.12.2023
Cette exposition fait suite à une résidence de deux mois dans le centre d'art la Ferme-Asile, à Sion, dans le Valais.
La première idée fut d'organiser une discrète parade dans le quartier. On planifiait de porter des poutres de métal à dos d'homme, pour évoquer la conquête de la montagne. On se voyait descendre encordé au bord d'un ruisselet. On imaginait emballer les arbres des parterres de papier cadeau. Noël aidant. La lubie était de coller des petits dessins représentant des fleurs et des mayens sur les poignées de portes des immeubles nouvellement édifiés. Nous serions, au péril de notre vie, descendu sur les berges du Rhône pour ficher en terre des portraits d'un Spilliaert soucieux. Dans un second temps, un projet d'exposition en plein air, dans le jardin de ciment construit au-dessus de l'autoroute traversant Sion fut fantasmé. Des lattes de métal auraient suggéré des pentes, ou des remonte-pentes, ou des tunnels. Des aimants auraient maintenu des récits imagés de promenades ascendantes ou descendantes. Spectacle quasi forain livré aux badauds le temps d'une après-midi. Des personnages auraient animé ces scènes. Mais tout cela sembla de nature à troubler l'ordre public. Auquel pourtant on entendait rendre hommage. Cette conférence imagée fut donc ramenée à sa juste mesure : domestique. Tout se passa clandestinement dans l'espace de l'appartement qui avait été alloué pour le séjour. Dans ce sanctuaire privé, tout devenait soudain possible. Au même moment, c'est ce que se disaient les pouvoirs publics et privés plus ambitieux au sujet de l'espace du dehors : à chacun son échelle. Une métaphore était née sur la manière dont les visions privées et le publiques se trouvaient enchâssées.
Arpenter
Maison Folie Moulins, Lille
06.10-08.10.2023
Commissaire Stéphanie Pécourt
Passion ancienne nourrie pour l’archéologie. Pas tant pour la discipline que pour ce qu’elle entend révéler : quelque chose qu’on excave de la terre. Passion semblant s’éteindre, mais se faufilant dans les marges du temps pour ressurgir sous une autre forme.
La voilà : excavation dans les œuvres ici. Départ à la surface (le réel, capturé par la photographie). Ensuite, on creuse. Peinture à tâtons. S’approcher d’un moment vu ou vécu dans le souhait de le vivre une seconde fois. Qu’il soit significatif ou anodin, peu importe. Mettre la main dessus. S’en imbiber, en inhaler les vapeurs.
Absorbé dans cette archéologie tenant du mirage ou de la recherche du pied de l’arc en ciel, surgissent d’autres strates d’activités. Des médias. Des informations, plus fréquemment significatives qu’anodines, à vrai dire. On s’attendait à trouver le plus extraordinaire dans le plus ancien. Mais voici que le plus récent impose sa loi. Alors, il y a comme ça deux archéologies qui occupent le même bout de terrain et s’entrechoquent. Elles se donnent des coups. Parce qu’il n’y a rien à faire, elles ne cherchent et ne trouvent pas la même chose.
Sauver Noël
SB34/Clovis, Bruxelles
28.01-11.02.2023
On dit qu’il faut mettre la barre haute. Par conséquent, les barres sont hautes. Mais on dit ensuite qu’elles sont trop hautes, qu’il faut nourrir des objectifs plus réalistes. Seul Louis, le maître ès équilibre dont l’absence se fait cruellement sentir, saurait déterminer quel est le juste milieu.
Joyeux Noël
C’est une exposition gréco-romaine. Une fois de plus !
Joyeux Noël
Ceux qui disent qu’on ne voit rien ou qu’on ne voit pas bien, confirment qu’on voit rarement tout (dans l’existence en général).
Joyeux Noël
Les nuances de notre expérience sont confisquées. Par ici les nuances, au cachot ! Ne restent que les gros traits. Des gros bras. Il ne faut pas les chercher. On sait de toute façon où les trouver.
Joyeux Noël
Cette exposition est une pétition pour la libération des détails et des nuances, injustement emprisonnés de nos jours. Déjà cinquante signatures !
Joyeux Noël
C’est de la peinture d’histoire. C’est une grande toile, sur un thème allégorique.
Joyeux Noël
Le style relève du pop art fatigué. C’est une sous catégorie de pop art qui en est encore à ses balbutiements, mais qui aura tôt fait de déferler sur le monde.
Joyeux Noël
Il y a toujours une bataille. Ici, c’est une bataille entre deux régimes d’images (deux régimes de bananes voudrait-on dire). Le registre d’une thèse sur le monde, et le registre d’une expérience du monde. A la fin, c’est le registre de la thèse sur le monde qui gagne. C’est toujours la banane qui gagne.
Joyeux Noël
Ne manque à cette exposition, comme à notre bananier et à notre besogne, que les fruits. Patience !
Joyeux Noël
Comme vous pouvez le constater, il y en a pour tous les portefeuilles. Il faut juste que vous ayez un grand portefeuille, car tout ne rentre pas dans une poche. Elles rentrent pourtant toutes dans mon salon. Si je peux le faire, vous pouvez le faire!
Joyeux Noël
Le bananier a eu son mot à dire. Il est resté tout au long du montage. Il a donné des conseils, même en restant silencieux. C’est un apprenti commissaire d’exposition prometteur (qui progresse sous la supervision bienveillante de Pauline et Rokko).
Joyeux Noël
Le bananier a dit : il faut que cela ploie. Le monde ploie sous le poids de quelque chose, alors ploie donc ! Regarde, moi, ne ploie-je pas ?
Joyeux Noël
Comme l’exposition engage le verbe « ployer », en ses conjugaisons de poids, c’est à se demander si ce n’est pas Atlas qui est invité à la table des convives ce soir. Cela change de Damoclès et de Sisyphe. Ces piques assiettes !
Joyeux Noël
On sait plus ou moins quand cette exposition a commencé. Enfin, cela a commencé quand on s’est sentis concernés. Parce qu’avant cela, l’histoire avait déjà commencé ailleurs, sans qu’on ne se sentevraiment concerné. Ce qui est bien, c’est que cela marche aussi dans l’autre sens : on sait plus ou moins quand cette exposition s’est terminée. Cela se termine quand on décide de ne plus se sentir concerné. C’est aussi simple que ça.
Joyeux Noël
C’est une exposition qui s’inspire du jeu mexicain consistant à frapper avec un bâton une figure en papier mâché pour la crever et en faire tomber le contenu. Sauf qu’ici, on ne vous donne pas de bâton. Il faut frapper avec les yeux. Et il vous incombe d’imaginer ce qui tombe des figures suspendues. Décidément, c’est tout un travail! Pas sûr que cette version plaise aux mexicains. Adressons-nous à l’ambassade. D’ailleurs, c’est aussi une exposition qui s’inspire del’ambassade. De toute ambassade.
Joyeux Noël
J’ai une amie américaine qui se prénomme Noël B. et qui est invitée au vernissage, mais je tiens à dire que cette exposition n’a rien à voir avec elle. Je veux dire : Noël peut certes venir voir cette exposition. Cela me ferait plaisir de la voir. Mais l’exposition (dans laquelle il y a cependant des choses à voir) ne la regarde pas, bien qu’elle puisse la regarder. Que cela me fait même plaisir qu’elle la regarde. Nonobstant une similaire amitié, il n’y a pas non plus de lien à établir avec un prénommé C. Noël. Le dénommé « Noël en général » par contre, est concerné. Non pas le général Noël (qui a probablement existé). Mais Noël en général. Qui, en général, en Occident du moins, existe. Même si on essaie de vous faire croire qu’il n’existe pas.
Joyeux Noël
Si on vous dit que le père Noël n’existe pas, n’en croyez pas un mot. La preuve, ce mot, précisément, que vous avez en main. Et tous les autres mots qui se trouvent au-dessus de vos têtes.
Joyeux Noël
Noël le voulant, il y a une dinde. Même un dindon de la farce. « L’artiste, c’est de la chair à canon » dit Messieurs Delmotte.
Joyeux Noël
Cette exposition mange à tous les râteliers : c’est sa démocratie. Que dis-je, son humanisme !
Joyeux Noël
Damoclès, Damoclès… Quelle était son histoire encore ? On apprend que le récit de son épée suspendue aurait figuré dans un des volumes (aujourd’hui perdu, cela commence bien) des « Histoires » de l’historien grec Timée de Tauroménion. Puis on dit que Cicéron (cet opportuniste) aurait lu une version de cette histoire (déjà on ne comprend plus trop si c’est ou non celle de Timée) dans la « Bibliothèque historique » de Diodore de Sicile. Il popularisa alors la chose dans ses Tusculanae disputationes. Il faut toujours qu’il y ait un Cicéron pour rafler la mise des dépenses du peuple. Une grande enseigne. On ne prête qu’aux riches !
Joyeux Noël
Festival Point Point 3
Avranches, Normandie
10.09-25.09.2022
Commissaires : FAIRE DE RIEN
Le festival Point point est une flânerie artistique de l'association FAIRE DE RIEN qui propose d'investir la ville d'Avranches en Normandie, comme un musée à ciel ouvert. 23 artistes ont été invités à réaliser des oeuvres qui s'intègrent à l'espace public et qui jouent sur leur degré de visibilité en exploitant la diversité des paysages urbains.
"Morceaux de Bruxelles", 2022, est la proposition formulée dans ce contexte. Des estampages de détails de la ville de Bruxelles sont réalisés en argile: fragments d'architecture, de mobilier urbain, de plaques commémoratives, de voitures. Ces sculptures par empreintes sont ensuite cuites et émaillées, puis amenées à Avranches pour être dispersées dans l'espace public de façon tantôt ostentatoire, tantôt discrète, voire secrète. Une cinquantaine de pièces sont installées dans un rayon de 127,5m autour de l'Office du Tourisme, jouant de leur confrontation avec les éléments et signes présents sur place. Est-ce la conquête d'un territoire ou les timides repères qu'on établit lorsqu'on pose nos pas en territoire inconnu ? Est-ce un acte affirmant une identité ou actant sa dissolution? Est-ce le fantôme d'une ville dans la chair d'une autre? Est-ce le miroir d'une ville dans une autre, dès lors que les villes se ressemblent tant aujourd'hui? Est-ce un souvenir, une trace, un leurre historique? S'agit-il d'un arpentage, d'une déviation magique du flux irrigant ces lieux? Après la fin du festival, les céramiques demeurent sur place, soumises à leur destin archéologique.